Si l’on peut certes affirmer que l’insécurité n’est pas un phénomène nouveau au Nigeria, à en juger par la menace persistante que représente Boko Haram dans le nord-est et dans d’autres régions du pays, ou encore que le conflit entre agriculteurs et éleveurs nomades est une très longue histoire, l’ampleur prise par la crise actuelle avec la nouvelle vague d’attaques, menées par les éleveurs fulani (Peuls) et leurs mercenaires, qui sévit en particulier dans la vallée de la Bénue et le centre-nord du Nigeria, en dit long. Les attaques sont perpétrées de la manière la plus atroce qui soit : les envahisseurs détruisent les fermes et les récoltes, incendient les maisons, kidnappent et violent les femmes, abattent et massacrent des personnes sans défense. La situation est dramatiquement critique : des personnes sont assassinées de manière horrible, d’autres sont kidnappées en vue de demandes de rançon. La communauté chrétienne du Nigeria considère ces meurtres comme un jihad, même si le gouvernement a refusé à plusieurs reprises de l’accepter. Les endroits les plus directement et les plus durement touchés par les crises sont les zones à majorité chrétienne du nord du Nigeria. Les États les plus touchés sont ceux du Plateau, de Taraba, du sud de Kaduna et de Benue. L’Église chrétienne de l’État de Benue, le principal bastion de la Mission spiritaine dans le nord du Nigeria, est en fait la cible principale !
La dernière attaque qui eut lieu à Yelwata le 13 juin 2025 est l’attaque de trop! Plus de 200 personnes (principalement des personnes âgées, des femmes et des enfants) ont été exterminées. Yelwata est une petite ville de la municipalité de Guma, dans l’État de Benue, avec une population estimée à moins de 5 000 personnes, appartenant à la tribu des Tiv, dont près de 99,8 % sont chrétiens et plus de 80 % catholiques. Auparavant, cet endroit était une succursale de la paroisse du Sacré-Cœur d’Udei, l’une des premières paroisses fondées par les missionnaires spiritains dans le diocèse de Makurdi. La population de la ville a augmenté ces derniers temps en raison des migrations rurales vers les villes, rendues nécessaires par les attaques persistantes des mêmes éleveurs des villages environnants. La plupart des personnes qui ont été tuées sont en fait des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (PDI) qui, fuyant les attaques incessantes de leurs villages dispersés, ont trouvé refuge auprès de membres de leur famille élargie et de leurs proches. Cela explique pourquoi la plupart des personnes étaient regroupées dans leurs maisons lors de la nuit fatidique de l’attaque. Comme ce fut souvent le cas lors des attaques récentes, les assaillants sont arrivés tard dans la nuit, vers 23 heures, depuis la frontière de l’État de Nasarawa, à la limite du village. Ils étaient environ 200, tous lourdement armés. Certains ont engagé le combat avec les forces de police postées à proximité, tandis que d’autres ont attaqué les villageois sans défense, qui ont été brûlés vifs dans leur sommeil ou abattus à coups de machette lorsqu’ils se sont réveillés et ont tenté de s’enfuir.
Comme indiqué précédemment, même si les hostilités entre les Fulani et les Tiv se sont aggravées au cours des quinze dernières années, les événements de cette année constituent le pire scénario possible. La situation a dégénéré lorsque l’évêque actuel du diocèse de Makurdi a témoigné devant le Congrès américain au sujet des meurtres incessants de chrétiens au Nigeria. Le gouvernement nigérian, tant au niveau fédéral qu’au niveau des États, nie que ces attaques aient un motif religieux et, dans certains cas, fait même l’autruche. Les lieux où nous sommes présents, comme Agatu, Sankera, Abako Otobi, Naka, Agagbe, Aondoana, Udei, Logo, etc., ont été envahis par ces bandits. Les agences de sécurité de l’État ne font rien pour mettre fin à ce chaos. Pendant ce temps, les massacres se poursuivent sans relâche. Il ne se passe pas un jour sans que l’on signale des meurtres dans plusieurs endroits de l’État de Benue.
Il est également triste de constater qu’outre la crise humanitaire qui touche manifestement plusieurs de nos confrères directement concernés, parmi les personnes tuées dans cette nuit fatidique figurent les membres de la famille immédiate d’un de nos confrères, le révérend Jacob Iorjaan, CSSp, diacre au SIST, qui était sur le point de terminer sa formation initiale avant d’être ordonné et de partir en mission au Zimbabwe. Jacob est originaire de Yelwata et, lors de cette seule attaque, il a perdu treize membres de sa famille ! Deux de ses oncles paternels ont vu leur famille nucléaire complètement anéantie au cours de cette nuit tragique !
Comme l’a dit le pape Léon XIV dans son discours de prière de l’Angélus du dimanche 15 juin 2025, nous avons besoin de vos prières pour la paix au Nigeria et en particulier dans l’État de Benue. Notre peuple n’a pas besoin de grand-chose pour survivre, ce sont des gens simples qui ont juste besoin de la paix pour retourner dans leurs fermes afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. L’État de Benue, qui était autrefois le grenier de la nation, est aujourd’hui rempli de sang. Que Jésus-Christ, prince de la paix, vienne à notre aide!
Jude Ortese, CSSp
Supérieur provincial
Nigeria NE
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